Coulisses

Dans les coulisses de la graineterie du Jardin des Plantes

La graineterie vous ouvre exceptionnellement et gratuitement ses portes pour la Fête de la Science 2024 ! Pour l’occasion, plongez dans les coulisses de ce lieu secret du Jardin des Plantes qui renferme l’une des plus belles collections de fruits et de graines de France et d’Europe.

D’hier à aujourd’hui, la graineterie du Muséum

Portrait d'André Thouin (1747-1824) dessiné d'après nature en 1823 par Alexis Noël et lithographié par Langlumé.

© MNHN - Direction des bibliothèques et de la documentation

La graineterie du Jardin des Plantes a plus de deux siècles ! Elle a été créée en 1822 à l’initiative d’André Thouin, alors à la tête de la chaire d’Agriculture et de Culture des jardins. 

La graineterie remplit plusieurs missions : la production de plantes sauvages pour les jardins botaniques du Muséum, la conservation des plantes d’orangerie du Muséum et la gestion de deux collections :

  • une collection de graines vivantes, que l'on appelle la banque de graines ;
  • une collection sèche de graines et de fruits, la séminothèque-carpothèque

La banque de graines

En France, la collection de graines vivantes du Muséum se démarque par sa richesse et sa diversité. Elle se divise elle-même en trois collections pour trois usages :

  • la collection active « nature » (près de 6 000 échantillons), constituée de semences sauvages collectées dans différentes régions de France ;
  • la collection active « jardin » (plus de 2 000 espèces/an) comprend des semences récoltées dans différents secteurs du Jardin des Plantes et sur les porte-graines en culture à la graineterie. Elles servent à reconstituer les stocks et à produire de jeunes plantes pour les jardins du Muséum ;
  • la collection Ensconet (5 600 échantillons conservés depuis 2006) concerne des espèces sauvages de la flore de France, sélectionnées pour une conservation à long terme dans le cadre du programme européen Ensconet de sauvegarde de la diversité de la flore d’Europe.

Encore aujourd’hui, les botanistes et grainiers du Muséum continuent d’enrichir ces collections grâce aux missions qu’ils mènent sur le terrain.

Botaniste, grainier ou grainetier : quelle différence ?

Sur le terrain comme en laboratoire, un "botaniste" étudie les plantes, de leur croissance à leur reproduction. Tandis que le "grainier" est chargé de collecter, d’envoyer ou de commander les graines. Quant au terme "grainetier", il désigne un commerçant de graines !

Choix de jeunes plants à la graineterie

© MNHN - A. Iatzoura

Comment se déroule le voyage d’une graine ?

Les graines sont d’abord collectées sur le terrain, dans le respect de la réglementation locale et nationale et en suivant les recommandations de récolte.

De retour à Paris, les inflorescences sont séchées pendant un mois puis nettoyées pour extraire les graines des fruits. Les semences sont ensuite conservées au sec, dans des casiers en chambre froide, afin de préserver leur capacité germinative.

Encapsulées, à plumeaux, poilues, ailées, équipées de crochets… Chaque graine est référencée pendant 10 ans dans un catalogue mis à disposition d’un réseau international de 1 250 institutions correspondantes. Ce grand catalogue, que l’on appelle « index seminum », est renouvelé d’une année à l’autre.

Une graine peut potentiellement être cultivée pour être plantée au Jardin des Plantes ou dans un autre jardin du Muséum. Elle peut aussi être envoyée ailleurs en France ou dans le monde entier pour enrichir une autre collection végétale (banque de graines ou jardin botanique).

Tri de graines de Grand boucage (Pimpinella major)

Tri de graines de Grand boucage (Pimpinella major)

© MNHN - A. Iatzoura
Mains triant des graines

Tri de graines

© MNHN - A. Iatzoura
Matériel de nettoyage des graines

Matériel de nettoyage des graines

© MNHN
Conservation des graines en chambre froide

Conservation des graines en chambre froide

© MNHN

La séminothèque-carpothèque

Avec plus de 80 000 échantillons de graines inertes et de fruits séchés, la séminothèque-carpothèque réunit l’une des plus belles collections d’Europe. On y trouve des trésors d’une grande importance scientifique et patrimoniale ! 

Elaeis guineensis : un mystère scientifique élucidé grâce aux botanistes du Muséum

Le musée du quai Branly - Jacques Chirac à Paris a fait la découverte d’un crâne de singe mâle dans une jarre provenant du Gabon. Fait peu commun : une graine a été logée dans ce crâne aux proportions exceptionnelles. Les équipes du quai Branly ont alors fait appel à l’expertise du Muséum pour l’analyser. Il s’agissait d’une graine de palmier à huile, Elaeis guineensis, dont un échantillon de cette même espèce est conservé dans la graineterie. Bingo ! Dans cette ethnie, le statut social se mesure au nombre de pieds de palmiers que l’on possède. 

Identification d'une plante au microscope

© MNHN

D’où proviennent toutes ces graines ?

Les échantillons ont été récoltés lors d’expéditions sur tous les continents ou proviennent d’échanges entre scientifiques, de génération en génération. De nombreux dons ont aussi permis d’agrandir cette collection hors du commun dont une partie est dédiée à la flore française (5 000 échantillons, depuis 1950).

Comment sont classés les échantillons ?

Les échantillons sont d’abord classés par genre, désigné par un premier nombre, puis par ordre alphabétique. Chaque échantillon est conservé dans une enveloppe papier ensachée et classé avec son numéro de référence, son nom scientifique (en latin) et son lieu de collecte ! 

Des collections d’utilité publique

Photo en gros plan de graines et fruits dans la carpothèque de la graineterie du MNHN

Graines et fruits dans la carpothèque de la graineterie

© MNHN

La graineterie permet de remplir diverses missions s’appuyant sur l’expertise des botanistes du Muséum. Il peut s’agir d’identifier des graines pour les services de police, la gendarmerie, le centre Antipoison, d’autres institutions muséales, ou de réintroduire des espèces végétales dans la nature. La banque de graines permet aussi d’approvisionner en plants ou semences les jardiniers des quatre jardins botaniques du Muséum.

Préserver la flore de notre planète

De graves menaces pèsent sur la biodiversité végétale : changement climatique, déforestation, incendies... Deux espèces végétales sur cinq sont déjà menacées. Face à l’urgence, les scientifiques s’engagent dans une véritable course contre la montre pour recenser les nouvelles espèces (environ 2 000 par an) avant qu’elles ne disparaissent de leurs habitats naturels.

Qu'elles soient vivantes ou sèches, les collections botaniques du Muséum revêtent une valeur scientifique inestimable dans le contexte actuel d'extinction massive. Elles sont source d'une activité de recherche intense, tant au sein du Muséum qu'en collaboration avec des partenaires à travers le monde. 

Le saviez-vous ? Certains échantillons de la graineterie ont servi à la NASA pour des expériences ! L’une d’elle consistait à mettre les graines dans des conteneurs rotatifs pour étudier l’impact de la gravité sur ces graines.

Relecture scientifique

Image décorative

Sophie Kling

Responsable scientifique des collections végétales vivantes de plein air, Muséum national d'Histoire naturelle