Chat, humain, qui a apprivoisé l'autre en premier ?

L’histoire entre l’être humain et le chat ne date pas d’hier. Bien avant le temps des pharaons, le petit félin a su se faire une place auprès de nous. On dénombre aujourd’hui près de 600 millions de matous domestiques dans le monde. En France, leur population est estimée à 15 millions, soit plus du double de la population canine.

11 000 ans auprès de nous

Momies égyptiennes de chats

Momies de chats dans l'exposition Félins

© MNHN - J.-C. Domenech

Longtemps, nous avons cru que l’Egypte antique d’il y a environ 6 000 ans était le berceau de la domestication des chats. Il faut avouer que les archéologues en trouvaient aux quatre coins des pyramides. Mais il y a près de 20 ans, des fouilles réalisées à Chypre, menées en partie sous l’impulsion du Muséum national d’Histoire naturelle, ont révélé une origine bien plus lointaine. Les chats seraient entrés dans nos vies il y a plus de 11 000 ans. Un bond historique de cinq millénaires !

Le jeu du chat et de la souris

L’arrivée du chat auprès des êtres humains date des débuts de l’agriculture. Les stocks de grains nouvellement créés attirent les souris qui s’installent près de ces nouveaux garde-manger, véritables mannes offertes par les humains. Or, ces rongeurs ont des prédateurs naturels : les chats. Ceux-ci font alors de ces espaces habités leur nouveau terrain de chasse. Qui s’en plaindrait ? Ni les êtres humains, ni les félins qui y voient-là une relation gagnant-gagnant.

Un proche compagnon

Les liens qui se sont tissés entre les chats et les humains ont dépassé le stade uniquement utilitaire. Le félin domestiqué a gagné le statut d’animal de compagnie, avec lequel on entretient un lien plus intime. Et ce, il y a plus de 9 000 ans. À Chypre, une tombe datant de 7 300 ans avant notre ère renferme les restes d’un jeune adulte humain et ceux d’un chat dont la taille plus importante que la moyenne indique qu’il s’agissait d’un félin plutôt mieux nourri que ses congénères. De plus, les corps ne sont pas disposés n’importe comment dans la sépulture. Ils se font face. Cette position renforce l’idée de l’existence d’un certain degré de familiarité entre l’homme et l’animal.

Ange ou démon ?

Maneki-neko

Originaires du pays du Soleil Levant, les maneki-neko sont des figurines de chat dont la patte est articulée et symbolise une invitation.

© S. Branch - Unsplash

Les chats tiennent une place vraiment particulière dans le cœur et les croyances des êtres humains. Tantôt adorés, tantôt haï. Dans l’Egypte ancienne, ils sont élevés au rang de divinité. La déesse Bastet, à la fois mère nourricière et justicière implacable, est souvent représentée par un corps de femme à tête de chat, voire de chat assis. Quant à l’Église chrétienne, elle les a longtemps associés au Diable, les chats noirs étant désignés comme l’incarnation du Mal. Il faut attendre le 17e siècle pour qu’ils soient réhabilités et choyés dans les foyers européens. Dans les pays musulmans et le Japon, ils sont considérés comme des porte-bonheurs.

Un seul chat domestique

Aussi surprenant que cela soit, tous les chats qui peuplent aujourd’hui nos maisons sont issus d’une seule et même espèce sauvage : le chat ganté (Felis silvestris lybica). Une autre espèce, le chat-léopard, a tenté de s’installer dans les foyers en Chine il y a 5 500 ans, mais il a été vite supplanté par les chats domestiques occidentaux. Ces informations découlent d’études ostéoarchéologiques et d’analyses génétiques comparées entre les chats domestiques et sauvages d’aujourd’hui et les restes retrouvés dans les différents sites archéologiques.

Chats

Diverses espèces de chat

© E. Isselée - stock.adobe.com

Chats de tout poil

Si tous les chats ont le même ancêtre, ils sont loin d’être tous identiques désormais. À force de sélections et de croisements datant du XIX et du XXe siècle, il existe quelque soixante races officielles de minous à travers le monde.

Certains ont un pelage fourni, comme le Persan, d’autres un poil si court qu’on les croit nus, tel le Sphynx. Les Siamois avancent « masqués et chaussés » de noir quand le Maine Coon joue les géants (jusqu’à 9 kg). Le plus commun dans nos contrées est l’Européen, descendant des chats de gouttière du continent. Si les chats diffèrent par leur robe, ils ont conservé les principales caractéristiques morphologiques de leur ancêtre commun.

Un instinct de chasseur

De son ancêtre, il n’a pas conservé que le minois. Le chat, tout domestique qu’il soit, est resté un chasseur. Un chasseur fortement « armé » avec ses griffes, ses crocs, ses muscles puissants et sa redoutable agilité. Souris, rats, lézards, serpents et oiseaux sont souvent au menu de ces félins.

Sont-ils pour autant un danger pour la biodiversité ? Selon Grégoire Loïs, biologiste et directeur adjoint de Vigie-Nature, programme de sciences participatives du Muséum national d’Histoire naturelle, la réponse est négative : « Dans nos régions, les chats ne sont pas un fléau. Les espèces qu’ils prédatent sont pour la plupart communes. De plus, les petits carnivores à la campagne (hermines, belettes, putois) ont été décimés. Les chats ne font que remplacer une prédation naturelle qui existait. »

Les lions et autres tigres ne sont pas des chats

Le chat est le seul félin que nous ayons domestiqué. Certains tentent encore d’apprivoiser des espèces comme les lynx, les servals, les lions ou les tigres. Souvent dans le seul but d’en tirer un prestige social. Or, ce sont des espèces sauvages qui ont besoin d’espace et de liberté. Tenter de les domestiquer implique de contraindre leurs déplacements. Une source de grande souffrance pour ces animaux. En témoignent leurs comportements inhabituels, voire pathologiques, lorsqu’ils sont en cage. Sans parler du commerce illégal que cela génère et qui nuit à la survie de ces félins. 

Un chat qui s'est adapté aux humains

En vivant à nos côtés, le chat domestique a évolué. Sa morphologie et son comportement se sont modifiés au contact des humains et en raison d’un mode de vie plus sédentaire.

Des modifications physiques

Physiquement notamment. « Leur cavité endocrânienne s’est réduite par rapport à leur ancêtre sauvage. Cela résulte de la réduction des aires corticales sensorielles et motrices, parce qu’elles sont moins stimulées par l’activité de chasse », explique Jean-Denis Vigne, Archéozoologue, biologiste et Coordinateur Muséum de l’infrastructure « Pôle National de Données de Biodiversité », « Mais en contrepartie, certaines aires profondes du cerveau des chats domestiques, comme les aires associatives notamment, sont plus développées que chez les formes sauvages. Cela résulte du développement d’une vie sociale partagée avec les humains. »

De nouvelles compétences

Si le chat miaule, c’est qu’il a des choses à nous dire. C’est un langage qu’il a développé pour les humains. Il produit différents sons pour indiquer une demande, un consentement, une protestation, une frustration… Et inversement, le chat nous comprend. Il a véritablement développé sa compréhension du langage humain. Mais attention, il n’est pas polyglotte. Des travaux d’éthologie ont montré que les chats domestiques déplacés dans d’autres pays ne comprennent pas les langues étrangères à leur origine.

Chat

Chat en train se sustenter

© F. Wölke - Unsplash

Le chat et nous

Il vit à nos côtés et compte sur nous pour prendre soin de lui. A commencer par le nourrir. Carnivore, son régime alimentaire doit être composé d’au moins 50 % de protéines animales. Et le service doit être à volonté. Le chat mange par petites portions mais souvent. Il boit aussi beaucoup et doit donc toujours avoir de l’eau à disposition.

S’il n’a pas accès à l’extérieur quand il le souhaite, un bac à litière doit être posé dans un endroit calme et il faut jouer avec lui pour lui faire de l’exercice. Le chat a besoin de se dépenser.

Dossier rédigé en juin 2023. Remerciements à Jean-Denis Vigne, Archéozoologue, biologiste et Coordinateur Muséum de l’infrastructure « Pôle National de Données de Biodiversité » 

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