Le Jurassique, une évolution sur mesure
Deuxième période de l’ère Mésozoïque, le Jurassique voit les dinosaures dominer la terre ferme. C’est aussi le moment de l’apparition des premiers oiseaux.
Au Jurassique, un nouvel équilibre

Ces apatosaures sont des sauropodes une famille de dinosaures apparue au Jurassique, connus pour leurs longs cous et leurs très grandes tailles, comme le célèbre Diplodocus.
© D. Eskridge - stock.adobe.comLe Jurassique est la période couramment associée aux dinosaures, notamment depuis la sortie des films Jurassic Park et Jurassic World. Si à cette époque certains dinosaures célèbres, comme les tyrannosaures et les tricératops, n’étaient pas encore apparus, c’est bien au Jurassique que débute le règne des dinosaures sur les écosystèmes terrestres, alors que d’autres reptiles dominent les airs et les environnements marins.
La crise Trias-Jurassique permet l’essor des dinosaures
Avant le Jurassique, au Trias, les dinosaures ne sont qu’un groupe de reptiles parmi d'autres. Mais il y a près de 200 millions d’années, la Terre connait une crise majeure, notamment induite pas un intense volcanisme lié à l’ouverture de l’Atlantique. De nombreuses espèces marines et terrestres s’éteignent, et les faunes s’en trouvent bouleversées.

Plesiosaurus dolichodeirus a donné son nom au groupe des Plésiosaures. Ceux-ci ne sont pas des dinosaures, mais l’un des groupes de reptiles marins qui règnent sur les mers du Mésozoïque.
© D. Eskridge - stock.adobe.comCe n'est qu’après cette crise que les dinosaures s'imposent sur les écosystèmes terrestres libérés de nombreux concurrents, alors que les ptérosaures (des reptiles volants) continuent de dominer les cieux et que les reptiles marins poursuivent leur diversification dans les mers et océans.
Les plus célèbres groupes de dinosaures apparaissent au Jurassique. Mais les continents sont également peuplés de nombreux animaux qui vivent dans l’ombre des reptiles géants, au milieu d’une végétation très différente de celle que nous connaissons aujourd’hui.
Le Jurassique dans l'histoire de la vie
La Terre change de visage
Le Jurassique fut une période de grands changements géographiques, marquée par un intense volcanisme, la fragmentation de la Pangée, l’évolution des courants océaniques et le développement des écosystèmes.
La fragmentation de la Pangée et l’ouverture de la Téthys

Les mouvements des continents se déroulent sur plusieurs dizaines de millions d’années. Les continents de la fin du Jurassique, il y a 143 millions d’années, sont encore très éloignés de leurs positions actuelles.
© MNHN - K. PeyerLe supercontinent Pangée commence à se segmenter au début du Mésozoïque, de telle façon qu’au Jurassique les continents sont séparés :
- La Laurasie, au nord, est constituée des futures Amérique du Nord, Europe et Asie.
- Le Gondwana, au sud, regroupe les futures Amérique du Sud, Afrique, Arabie, Madagascar, Inde, Australie et Antarctique.
- L’Océan Téthys est situé à l’est entre ces deux masses continentales.
Le Gondwana continue de se disloquer pendant tout le Jurassique : l’Antarctique, l’Australie, l’Inde et Madagascar se séparent de la future Afrique. Des mers peu profondes apparaissent et un océan commence à s’ouvrir entre l’Afrique et l’Amérique du Sud : l’océan Atlantique.

Représentation de Stenopterygius, ichthyosaure ayant vécu il y a plus de 171 millions d’années, au Jurassique. Les couleurs de l'animal ne sont pas connues à ce jour.
© J-F Dejouannet AIS/UAR2700 2AD CNRS MNHNLe climat se réchauffe et la mer monte durant le Jurassique
Durant le Jurassique, qui dura près de 58 millions d’années, le climat se réchauffe progressivement et le niveau marin augmente, dépassant le niveau actuel de 50 mètres dès le Jurassique moyen, et de 150 mètres à la fin du Jurassique. Cela contribue encore davantage à la formation de nouveaux écosystèmes marins et à la séparation des terres émergées.
Les espèces terrestres – reptiles, mammifères mais aussi insectes – évoluent séparément sur ces terres isolées. Dans les mers et océans, de nombreux reptiles marins (notamment les ichthyosaures et plésiosaures), céphalopodes (tels que les ammonites et bélemnites), poissons et crustacés prospèrent et se propagent autour du globe.
Le saviez-vous ? Au Jurassique, l’Europe était un vaste archipel au climat chaud.
Dans la seconde moitié du Jurassique, le niveau de la mer est si haut que l’Europe est un grand archipel qui sépare la future Amérique du Nord du futur continent asiatique.
Les quelques terres émergées de l’Europe correspondent aux grands massifs montagneux de l’époque tels que le Massif armoricain ou le Massif central. Certains massifs comme les Alpes, les Pyrénées ou l’Himalaya ne se sont pas encore élevés.
Le Jura compte alors plusieurs îles, mais ce sont ses fonds marins qui ont été à l’origine du nom « Jurassique », nommé en 1829, plus de 10 ans avant que le mot « dinosaure » ne soit créé, en 1842, par le célèbre paléontologue Richard Owen.
Les paysages du Jurassique
Au Jurassique, le climat est bien plus chaud qu’aujourd’hui. Seules les terres situées près des pôles, par exemple aux latitudes du nord du Canada actuel, ont alors un climat correspondant aux régions tempérées actuelles. Sur le reste des terres émergées, le climat est chaud, et généralement humide. La végétation au Jurassique est donc majoritairement adaptée à un environnement tropical.

Reconstitution d’un environnement du Jurassique inférieur d’Argentine, comportant une canopée de conifères, une végétation basse de fougères et un dinosaure sauropodomorphe.
© Jorge A. GonzalezLa flore n’a pas connu de crise majeure au début du Jurassique et contrairement à la faune, elle est composée d’espèces très semblables à celles de la fin du Trias. Les forêts y sont majoritairement composées de conifères, de plantes à graines aujourd’hui disparues, ou de fougères arborescentes.
Le règne des conifères
Au cours du Jurassique, les conifères continuent de se diversifier, et comportent bien plus d’espèces différentes qu’aujourd’hui. Parmi elles se trouvent les premières Pinaceae (incluant aujourd’hui les pins, les cèdres ou les épicéas), la famille des Cupressaceae (les cyprès), mais aussi de nombreuses espèces de conifères adaptées aux climats tropicaux.
Les conifères atteignent un pic de diversité à la fin du Jurassique, ils ne sont pas encore confrontés à la concurrence des angiospermes (plantes à fleurs). Dans les flores actuelles, on connait moins de 1000 espèces de conifères, pour près de 350 000 espèces de plantes à fleurs.

Représentation hypothétique de la première fleur, selon une étude publiée en 2017 dans la revue Nature.
© H. Sauquet & J. ShönenbergNi forêts de feuillus, ni fleurs, ni herbes ?
Les paléobotanistes estiment aujourd’hui que les toutes premières plantes à fleurs (angiospermes) pourraient être apparues durant le Jurassique, mais elles se seraient encore très peu propagées et diversifiées.
En effet, le plus ancien fossile connu et faisant consensus comme étant une plante à fleur date d’il y a moins de 125 millions d’années, soit plus de 18 millions d’années après la fin du Jurassique.
Au Jurassique, il n’existait donc pas de forêts de feuillus, ni de prairies composées de plantes à fleurs et de graminées (ou « herbes »), qui dominent aujourd’hui les écosystèmes.
Les forêts tropicales du Jurassique
La majorité des forêts du Jurassique sont des forêts tropicales, comprenant des plantes disparues aujourd’hui, mais aussi de nombreux représentants de groupes encore présents aujourd’hui, tels que les Araucarias, les Cycas, les fougères arborescentes ou les Ginkgos.
Les flores n’étaient pas identiques dans toutes les régions du monde, certaines présentaient des adaptations spécifiques aux variations de salinité près des milieux marins, ou encore aux sècheresses saisonnières sur les continents.
Découvrez quelques exemples de plantes qui entouraient les dinosaures et autres animaux terrestres du Jurassique :
Entrées en scène : de nouvelles formes de vie apparaissent

Fossile d'Archeopteryx exposé au Muséum de Berlin
CC BY-SA 3.0 H. RaabMoins violente que la précédente, la crise Trias-Jurassique s’étend sur une durée dix fois plus longue, soit près de 17 millions d’années. Responsable de la disparition de près de 80 % des espèces, elle va également permettre l’apparition de nouvelles espèces.
Dinosaure, vole !
Il y a près de 150 millions d’années, le premier oiseau prend son envol. Issu d’une lignée particulière de petits théropodes, les droméosauridés, Archaeopteryx n’est pas le premier dinosaure à être couvert de plumes car certains de ses prédécesseurs s’en paraient déjà pour séduire leur partenaire ou réguler la température de leur corps. Mais il est, parmi les dinosaures connus, le premier à être capable de voler ! Cependant il ne battait probablement pas des ailes mais les déployait plutôt comme un nageur de brasse papillon. Il appartient, avec les oiseaux modernes, au groupe des dinosaures aviens.
Le Trias, après la crise

Dessin représentant ce à quoi aurait pu ressembler Agilodocodon, un mammifère insectivore arboricole ressemblant à une musaraigne
CC BY 3.0 KaekDes mammifères encore discrets
Apparus au Trias, presque au même moment que les dinosaures, les premiers mammifères doivent se faire discrets pour pouvoir cohabiter avec ces redoutables sauriens. Mais, si les scientifiques ont longtemps pensé que ces animaux terrestres étaient tous de très petite taille, semblables aux musaraignes actuelles, on sait aujourd'hui que leurs groupes étaient bien plus diversifiés y compris en matière de régime alimentaire ou de modes de locomotion. Pour la plupart recouverts de fourrure, ils pouvaient être fouisseurs (creusant des terriers) ou arboricoles, diurnes ou nocturnes, insectivores mais pas seulement…

Squelette fossile d'ichthyosaure Stenopterygius du Jurassique inférieur (environ 180 millions d'années) au Muséum national d'Histoire naturelle
© MNHN - P. VincentDes océans pleins de vie
Largement peuplés au Trias par des reptiles retournés au milieu aquatique, les océans ne désemplissent pas. On y trouve de nouvelles sortes de céphalopodes, les ammonites, qui ont rejoint les bélemnites triassiques toujours présentes en grand nombre. Toutes ces espèces servent de repas aux reptiles marins, comme les Ichtyosaures, les Pliosaures et les Plesiosaurus. Capables de réguler leur température corporelle, ce qui leur permet de nager en eaux froides, les plésiosaures semblent être aussi d’excellents nageurs à même de s’aventurer en pleine mer : au Jurassique, on retrouve leurs fossiles sur tous les continents et à toutes les latitudes.
Ammonites et bélémnites, des marqueurs temporels
Les fossiles de céphalopodes, comme les bélemnites et les ammonites, offrent de pratiques repères temporels pour les scientifiques lors des fouilles. Caractéristiques de périodes et de milieux bien définis, ils sont largement présents dans des couches géologiques délimitées. Ces fossiles stratigraphiques contribuent ainsi à dater l’ensemble des éléments qui les entourent.
Les dinosaures à la conquête des continents
Un climat relativement clément, une nourriture abondante et la disparition de groupes jusqu’alors prédominants laissent le champ libre aux dinosaures qui grossissent aussi bien en taille qu’en répartition et en diversité. Mais ils ne sont pas seuls pour autant…

Allosaure (Allosaurus fragilis) - Galerie de Paléontologie
© MNHN - A. IatzouraLes dinosaures prennent du poids
Les dinosaures prennent possession des continents. Installés sur des territoires spécifiques, ils développent des morphologies très diverses, adaptées à chaque milieu. Avec en particulier à la fin du Jurassique, une tendance commune au gigantisme.
Théropodes carnivores et sauropodes herbivores dépassent souvent les 10 mètres de long. Stégosaures de 9 mètres hérissé de pointes, ankylosaures couverts d'armures de plaques osseuses, brachiosaures de près de 20 mètres… les herbivores sont les plus impressionnants. Chez les carnivores, les tailles sont légèrement inférieures, entre 6 et 8 mètres pour Allosaurus ou Ceratausorus. Mais leur vélocité compense leur petite taille. Parfois, ils s’associent en meute pour chasser d’autres dinosaures, y compris de gros herbivores. Ou, comme Compsognatus, des petits mammifères et des insectes.
Qu’est-ce qu’un dinosaure ?
Le saviez-vous ?
Qu’ils soient carnivores ou herbivores, les dinosaures perfectionnent leur dentition : leurs dents poussent en permanence. Et leur estomac digère n’importe quoi. De quoi faciliter leur essor…

Sculpture du Stégosaure devant la Galerie de Paléontologie et d'Anatomie comparée
© MNHN
Patte d'allosaure (Allosaurus fragilis) - Galerie de paléontologie
© MNHN - A. IatzouraUn fourmillement d’insectes
Connu pour être la période de développement des dinosaures, le Jurassique est en réalité l’âge d’or des… insectes. Aux côtés des familles propres à cette période, tous les grands groupes d’insectes d’aujourd’hui existaient déjà à cette époque, avec en plus une diversité inégalée. Chez les seuls odonates, les demoiselles et libellules, on a dénombré plus de 30 familles jurassiques comme les Protolindeniidae. À l’inverse des dinosaures, la taille des insectes a commencé à diminuer dès la fin du Trias et, à la fin du Jurassique, les derniers insectes géants ont disparu.
Comment les insectes ont conquis la Terre

Fossile de Protolindenia viohli, Muséum national d'Histoire naturelle
© MNHN
Puce géante du milieu du Jurassique moyen
© HuangLes piqueurs-suceurs à l’attaque
Les plumes des dinosaures et les poils des petits mammifères offrent de nouvelles opportunités aux insectes qui s’accrochent facilement à ces nouveaux hôtes. Une aubaine pour les puces, des insectes hématophages (qui se nourrissent de sang), qui font leur apparition. Des petits insectes volants comme les phlébotomes et les moustiques profitent également de ces proies dépourvues de cuirasse pour se propager et se diversifier.
Dossier rédigé en octobre 2023, mis à jour en mars 2025. Remerciements à Karin Peyer, paléontologue au CR2P - UMR 7207, Léa de Brito, paléobotaniste, attachée de recherche au CR2P - UMR 7207, Peggy Vincent, paléontologue spécialiste des reptiles marins du Mésozoïque, chargée de recherche CR2P - UMR 7207, Nathalie Bardet, paléontologue spécialiste des reptiles marins, directrice de recherche CNRS CR2P - UMR 7207, André Nel, paléo-entomologiste, Professeur Institut de systématique, Evolution, Biodiversité - UMR 7205, Olivier Bethoux, paléo-entomologiste, chargé de la conservation des collections d'insectes préservés en empreintes, maître de conférence, CR2P - UMR 7207, Ronan Allain, paléontologue chargé de la conservation des collections de reptiles et d'oiseaux fossile, maître de conférence CR2P - UMR 7207, Florent Goussard, ingénieur d'études CR2P - UMR 7207, pour leur relecture et participation.